Bonjour monsieur Gordon ! Tout d'abord, un grand merci de nous accorder cette interview complètement imprévue ! Imprévue et exclusive, notez le bien dans votre papier, mais.. cela me fait plaisir. Si je fais cela, c'est entièrement pour le bien de mon fils.... Notez le bien ! Fuir son passé, c'est quelque chose qu'on ne peut faire éternellement et il faut un beau jour accepter de l'exorciser. Oh, je n'ai pas été un père parfait, comme tous les pères de toute façon, mais je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour me rattraper. Mais enfin, nous en sommes là : il est temps que le public puisse savoir ce qui se cache derrière ces grands airs froids et légèrement tourmentés, je me permets de le dire, car étant son père, je remarque ces choses-là, de Matthew Gordon.
Vous êtes-vous déjà imaginé que Matthew deviendrait une star du rock ? Aviez-vous de tels espoirs d'avenir pour votre fils lorsqu'il était plus jeune ? J'imagine que j'avais déjà conscience du talent musical qu'il avait. À neuf ans, il suppliait de lui payer des cours de violon. À cet âge là, c'est difficile de savoir s'ils sont sérieux les gosses, ou s'il ne s'agit que d'un caprice comme un autre, mais il en a suivi des cours et c'est la première fois qu'il semble s'être intéressé à quelque chose de concret, à la musique donc.
C'est toute une révélation, on s'imagine un peu mal le bassiste qu'il est devenu en train de jouer du violon. A-t-il continué longtemps cet apprentissage plus, disons, classique ? Ça a duré quelques mois. Vous savez, nous n'étions pas une famille très riche et nous n'avions pas les meilleurs conditions de vie. À cette époque, je travaillais beaucoup... Ça n'a donc pas été possible pour lui de continuer, c'est tout. Ce n'était pas son occasion, mais on voit bien qu'il a su la trouver plus tard tout de même.
| Monsieur Gordon, permettez-moi de vous demander le lien entre les conditions malheureuses de votre famille et les cours de violon que suivait Matthew. N'y a-t-il pas des programmes pour les jeunes des milieux défavorisés qui ne coutent pas grand chose ? Une fois l'instrument acheté ou loué, ça ne demande pas beaucoup plus d'investissement ? Ne croyez-vous pas que priver un enfant de ce qu'il aime brime son développement ? Écoutez, on fait tous des erreurs, vous comme moi, et surtout moi, j'en suis bien conscient. Avez-vous des enfants ? (Je fais signe que non.) Vous ne pouvez donc pas comprendre que ce n'est pas tout rose à chaque instant, c'était hors de mon contrôle. Puisque je n'ai rien à cacher, voilà une confidence, notez le bien : j'étais alcoolique et il m'arrivait parfois de perdre tout sens logique. Forcément, certaines choses y ont passées, je veux dire, le violon y a passé.
LEGENCE© Baby Gone Que voulez-vous dire exactement : " Le violon y a passé " ? Eh bien, il m'est arrivé quelques fois de me montrer violent, comme je viens de vous le dire, c'était hors de tout sens commun, bien sûr. Je ne me souviens plus avec exactitude de cette fois précisément, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'a plus resté grand chose de l'instrument pour qu'il soit utilisable par la suite. J'ai profondément regretté cet incident malheureux, mais rassurez-vous que Matthew m'a pardonné depuis bien longtemps, et vous comprendrez donc qu'il est devenu impossible de lui en payer un autre. Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas que cela est pour autant brimer son avenir comme musicien, vous voyez comme moi où il est rendu. Il a la détermination de son père, je vous le dis, rien ne me rend plus fier que ça. | Vous est-il déjà arrivé de lever la main sur un membre de votre famille, sur Matthew par exemple ? (Un moment de silence s'installe et je sens que la question rend l'homme bien émotif.) ... Ce serait vous mentir que de dire qu'il ne s'est jamais rien passé, mais je n'ai jamais frappé mes enfants. Quel père peut-il faire une chose pareille ! Ils ont eu plus de peur que de mal. Aujourd'hui, cela est du passé et nous vivons cela dans la meilleure harmonie possible en vue des évènements tragiques que nous avons vécu. Nous demeurons une famille, nous sommes unis quoi que vous en pensez. (Malgré quelques tentatives d'obtenir plus d'informations à ce sujet, Monsieur Gordon demeure fermé et continue de tenir le même discours à quelques mots près.)
Êtes-vous toujours en contact avec votre fils ? Vous considérez-vous comme un fan des Morten Bluz ? Bien entendu que je suis en contact avec mon fils, qu'est-ce que vous croyez, c'est mon fils. Nous nous sommes d'ailleurs parlé au téléphone pas plus tard qu'hier pour vous donner un aperçu. Il est très occupé avec le deuxième album du groupe. (Je souligne que "Try Again" est en fait le troisième album des Morten Bluz.) ... C'est bien ce que je disais ! Bien entendu que je suis un admirateur du groupe. J'ai connu la petite Leslie alors qu'elle était haute comme trois pommes, il faut savoir que leur amitié avec mon fils remonte à des années. Je suis d'ailleurs surpris de voir ce qu'elle devient, ce que vous racontez dans votre journal, mais en y repensant bien, ça ne m'étonne pas trop. La célébrité, ça doit finir par monter à la tête, hein.
Merci beaucoup de nous avoir accordé cette entrevue et de votre temps, nos lecteurs vous sont très reconnaissant d'avoir mis sous lumière le passé de Matthew Gordon. Tout le plaisir est pour moi. Comme je vous le disais, c'est pour mon fils que je l'ai fait. Sachez bien que mes enfants représentent ce que j'ai de plus précieux et que je suis très fier d'eux. Je suis très fier de mon fils et du chemin qu'il a fait dans la vie. |