A l’écoute de ce très attendu troisième album du groupe mancunien, il y a une évidence qui me vient à l’esprit tout au long de son écoute. Je vais oser une formule qui fâche peut-être, mais je dois admettre que les Black Stones n’ont pas de génie. On pourra toujours répondre : ça tombe bien, personne ne leur a demandé d’en avoir. Et on aura raison. Dans les deux camps. Rare exemple d’un petit débat sans enjeu dans lequel tout le monde finira de toute façon par avoir le dernier mot, enthousiastes convaincus comme contempteurs pointilleux. La seule question valable, au fond, serait plutôt : Est-il question de bonne musique ? Là aussi, reste à savoir ce qu’est la « bonne » musique. Pour ma part, ma réponse sera un grand oui ! Les rythmiques conciliantes aux guitares scientifiquement affûtées, de la voix éloquente et suave aux constructions habilement usinées, pas le moindre motif d’irritation, pas d’éruption de boutons c’est là le privilège des musiques consensuelles, qui ne se connaissent pas d’ennemis mortels. Ils savent ce qu’ils font, et ils savent ou ils vont.
Une garantie d’euphorie pour l’auditeur lorsque les chansons sont au rendez-vous le premier morceau « Push it », ouvre le bal. Bien plus apparenté à de la pop qu’à du Rock, cette première piste nous permet de renouer avec la voix de Faith Jones et les riffs de Brandon Lewis, ou les deux seuls membres encore présents de la première formation du groupe. La chanson est une nouvelle fois suivie d’une piste pop incandescente avec « Supervixen ». « The Trick Is To Keep Breathing » tout comme « Bad Boyfriend » font partie de ces chansons aux effusions d'oestrogènes dégagées par ses basses lubriques susurrées du bout des lèvres dans une moiteur brûlante mettant au supplice les sens masculins.
C’est sur la cinquieme piste de l’album qu’un son un peu plus « brute » se manifeste sous « Shut Your Mouth », un titre qui porte très bien son nom d’ailleurs, l’explosion est irrésistible. Mais mon petit plaisir perso se fait plus particulierement sur « I Think I’m Paranoid » ! C’est sans doute sur ce genre de composition « clef », qu’un talent certain s’expose. Brandon Lewis a déjà composé bien des tubes, mais on s’est presque demandé s’il n’avait pas perdu le fil de la « patte » Black Stones avec ses différentes colloborations. Et c’est sans aucun doute sur cette sixieme piste qu’il prouve que le son du groupe, reste de loin son favori. C’est la puissance qui prédomine ici, une dynamique musicale parfaitement idoine pour contrebalancer un chant extatique clairement identifié. Autre motif de réjouissance : le quatuor ne semble pas confit dans la dévotion de leurs racines, mêlant joyeusement, et aux antipodes de l’orthodoxie, grunge, dub, et electro. |
L’ovni sur cet album est sans l’ombre d’un doute « Androgyny ». Si cette chanson est votre premier contact avec le groupe, vous risquez d’être déçus tant elle sort totalement de la sphère sur laquelle nous avions été habitués avec les Black Stones. Mais cela ne retire en rien la qualité de la compo’ ou encore les paroles qui touchent à un sujet un peu tabou chez certains. Et l’album se termine en beauté avec « Blood For Poppies », le bruit généré déchire en un souffle libertaire les préceptes initiaux, et retrouve – on y revient – le caractère percussif initial. Il renforce justement le caractère de l’album. Quoi bien pouvoir ajouter ? La voix de Faith, enfin remarquable, qui trouve dans la liberté d'expression un terrain de jeux inédit, plongeant vers les plus graves et s'envolant vers les aigus, suivant les thèmes des chansons. Le travail réalisé par 4 caractères très forts et différents, qui savent bosser à 4 et non à 1+1+1+1, chacun rajoutant sa cerise sur le gâteau, jouant sa note sur le piano sans pousser du coude son voisin. C'est ce pianiste à huit mains qui nous régale cette fois. Un album très interessant musicalement parlant, très homogéne malgré les différentes pistes prises sur certains morceaux. L’attente a été récompensée !
Damian A. Henley
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